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Thursday
Jun142012

Les choix courageux de Katalin Lakatos-Gere (1922-2012) [FR]

Kati au monument familial des déportés, érigé par Paul et Nicole Tellier, mai 2008 en Condroz, Belgique

« Tu es la meilleure belle-mère du monde » , lui dis-je. Et je l’ai répété plusieurs fois pendant les 23 ans que je l’ai connue. J’étais sincère, soit-il à la façon « second degré », « exagération jiddish », « jiddische overdrijving » comme on dit à Amsterdam. Kati appréciait ce petit jeu. Elle était une des rares personnes au monde auprès de qui je me sentais vraiment libre et à mon aise. Chez qui je savais que je pouvais me permettre à être un peu espiègle.

Mais, surtout, elle a été la personne avec qui j’ai pu partager le souvenir des moments les plus extraordinaires de sa vie extraordinaire.

Kati a été obligée à abandonner trois langues dans sa vie : Le Jiddish de ses ancêtres de Debrecen et de la Galicie, l’Allemand des Juifs émancipés de Budapest, et le Hongrois qui s’imposait sous le régime nationaliste, puis fasciste, d’avant 1944, sur les noms de famille et les noms propres. Et chaque fois, Kati a fait les choix les meilleurs possibles. Les choix les plus courageux.

Une fois établie à Bruxelles, elle a naturellement choisi le Français, une langue que l’on n’apprend jamais à la perfection, mais qu’elle s’obstina à employer pour écrire ses mémoires sous diverses formes littéraires. Et qu’elle employa exclusivement pour la formation de ses trois filles.

Ses choix de langue sont le résultat d’autres choix, plus fondamentaux, vitaux même.

Le choix de s’émanciper des aspects bornés de la vie du Stetl. Le choix pour la richesse de la vie culturelle de Vienne et de Berlin - de jadis, bien entendu. Et, devenue orpheline du « Deutschtum » à cause des Nazis, elle raconte dans un texte émouvant son choix pour la vie, une nuit de souffrance en 1943, aux latrines du camp de concentration d’Auschwitz, juste après le gazage de sa maman.

Puis, en 1946/7, une nouvelle décision vitale est survenue. Celle qui m’impressionne encore maintenant. Retournée à Budapest, veuve d’un martyr pour le communisme, engagée dans le gouvernement avec tous les avantages relatifs que cela comportait, elle choisit à nouveau. Elle ne supportait pas que les dirigeants s’inspiraient littéralement des anciens Horthyistes pour organiser leur répression. Elle ne supportait pas l’antisémitisme que Staline déclenchait pendant ses dernières années. Kati me dit plus tard : « J’étais coincée de deux côtés : en tant que juive et en tant que socialiste ».

Kati, à peine 25 ans, décida de s’exiler encore une fois d’une langue, d’un milieu et d’une routine : Elle était à l’époque parmi les très rares exception à faire pareil choix. Elle est passée à Bruxelles.

C’est quarante ans plus tard que je l’y ai rencontrée pour la première fois.

Elle ne faisait pas la fausse modeste lorsque je lui disais qu’elle est la meilleure belle-mère. Elle pensait probablement qu’il n’était pas exclu que c’était vrai. Et si elle pensait que moi, j’étais parmi les pires de tous les gendres qu’elle a connus, elle ne le disait pas. Car elle savait être diplomatique s’il le fallait.

Kati a été une grand-mère exemplaire pour notre fille Shana. Une fois par semaine elle nous préparait des rantot-hus dont j’ai cherché en vain des comparables à Vienne et à Budapest. Elle nous a beaucoup donné. Surtout : son exemple. Son exemple de courage et de persévérance. Sa chaleur humaine me manquera toujours.

Elle ne sera jamais oubliée.

Au revoir, Katalin Lakatos.

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