Le 1er août, sur la Place de la Mairie à Plovdiv, la chaleur du mois de juillet céda sa place aux températures plus douces de la nuit balkanique.
Le festival annuel de la folklore (slave) se terminait avec un groupe très professionel serbe. Mots clés: Discipline et énergie. (Voir le petit YouTube ci-dessous).
Autre mot-clé: Paix.
Pendant les mois d'été, "le temps s'arrête" à Plovdiv. Selon les mots très justes de Dimitri Kelbechev, un artiste très connu dans la ville. Une ville qui se vante d'être "la capitale culturelle de la Bulgarie".
Quoi qu'il en soit, comparée à la capitale politique du pays, Sofia, mégapole nerveuse de presque 2 millions d'habitants, Plovdiv, avec les 240.000 des 350.000 habitants qui lui restent après l'exode post-communiste, représente un havre de paix et d'une richesse historique encore insuffisamment exploitées.
La pauvreté (et l'appauvrissement) de la région est une source de découragement quasi intarissable. Les Plovdiviens ne se sont pas arrêtés "dans le temps" pour aller à la recherche de leur "temps perdu". Il y avait un temps que les figures de proue de la Renaissance bulgare du XIXme siècle peuplaient les maisons de maître sur les sept collines qui dominent la ville depuis toujours. Il y a eu un temps que les entrepreneurs de l'agro-industrie de la région étonnaient toute l'Europe. "La merveille bulgare", c'est à dire: leur exemption de la crise mondiale des années trente, est due à leur énergie.
Mais je ne rencontre personne qui croit à une résurrection de ces merveilles-là. On se débrouille. Les plus pauvres dans l'économie grise, la classe moyenne avec les moyens du bord et les plus riches dans des structures maffieuses. Enfin, pas tous: Il y a plein d'exceptions admirables. Et dans la châleur de l'été, il se produit une sorte trève. L'on se met sur les terrasses, à l'ombre des jeunes filles en fleurs.
C'est dans une ambiance détendue, qu'un public bulgare applaudit un groupe serbe. Car, normalement, ils ne s'aiment pas du tout, les Bulgares et les Serbes. Il y a eu des guerres. On se dispute les Macédoniens. Leurs langues se ressemblent trop ou trop peu. Qui le dira? Ils sont trop proches les uns des autres. Ou trop éloignés? Leurs antagonismes ont été exploitées pendant les guerres balkaniques des années '90 du XIXme siècle (par les Autrichiens, d'abord) et puis dans celles des années dix du XXme slècle (par tous les "grands pouvoirs" de l'époque: Allemands, Anglais, Russes et Français).
Mais dans l'ambiance paresseuse et déprimée du début du XXIme siècle à Plovdiv, c'est comme si l'époque des pashas turcs (XV-XIX siècles) est revenue. Après la manifestation routinière serbe, le public se disperse rapidement, sans écouter l'allocution de l'adjointe au maire. Les Serbes se rendent fièrement et en rangs serrés dans la rue piétionnière qui mène à la place centrale historique de la ville, au bout de l'ancien stade romain, dont les restes sont visibles dans un trou bétonné de l'époque soviétique.
Et pourtant, malgré tout, je me permets de croire à une nouvelle renaissance bulgare. Elle ne naîtra pas des cours de management (gestion) qui sont distribués par les agences américaines, ni du nationalisme crispé de certaines formations politiques. Elle sera authentique et elle réunira les éléments qui semblent si disparates de l'héritage culturel du pays. Je la vois dans les yeux des jeunes qui souffrent du chômage délirant. Je la vois dans les oeuvres étonnantes de sculpture, de dessin et de théâtre qui fleurissent sur les ruines antiques et staliniennes. Une renaissance se produira, non pas en fonction des vieilles antagonismes balkaniques, mais en fonction de la paix européenne qui permettra aux peuples de la région à s'occuper enfin d'eux-mêmes au lieu de construire la faute des autres.
Mais ne m'écoutez surtout pas. Cherchez votre chemin à vous. En paix, s'il vous plaît!