Mes lecteurs savent que je suis sévère vis à vis d'Ajaan. Elle est une intrigante douée. Souvent, ses positions ne riment à rien, sauf aux besoins actuels et temporaires de son chemin tordu à travers du monde.
Mais elle est aussi géniale. Et ses souffrances sont très réelles. Je suis non-croyant comme elle. Je suis en faveur d'un changement révolutionnaire de la position de la femme dans la société. Je sais que son engagement avec la cause des femmes est authentique.
Et j'ai pitié d'elle. Elle a été abusée par les conservateurs hollandais dans la même mesure qu'elle s'est faite abuser par les Frères Musulmans au début des années '90 au Kénia. Je ne suis pas d'accord avec ses provocations farouches des musulmans du monde, mais je la comprends.
Et je veux, avec mes amis de la gauche hollandaise (qu'elle déteste), qu'elle soit protégée contre les attaques terroristes et fanatiques qui menacent sa vie. Nous nous démarquons des "droogstoppels"* de son parti libéral-conservateur qui l'ont chassée de son appartement de La Haye, rien que parce qu'ils étaient dérangés par le va-et-vient de son équipe de protection. Avec l'auteur bien connu hollandais Adriaan Van Dis qui intervenait à Paris, le 11 février, j'ai honte, je suis triste et je suis en rage, parce que la parcimonie nationale s'est dévoilée dans ses abysses les plus profonds.
Le parti (libéral-conservateur) VVD (le parti de l'ancien commissaire européen Bolkestein et celui de l'actuelle commissaire Neelie Smit-Kroes), qui l'a lancée en 2002 dans le parlement de La Haye pour récupérer le vote raciste qui avait projeté les amis du populiste Pim Fortuyn dans un nombre considérable de sièges au parlement, est le premier responsable et le premier contribuant aux dépenses de sa protection. En attendant, c'est le gouvernement hollandais qui doit débourser. Sans tergiversations, s'il vous plait.
Ceci dit, voyons clair en ce qui concerne la dernière manœuvre d'Ajaan, celle qui concerne son application à la citoyenneté française. D'abord, je crois que la France représente encore toujours l'essence de la laïcité éclairée qui a ouvert aux nations européennes leur accès aux temps modernes. Mais quelles sont les motifs d'Ajaan? Est-ce qu'elle souscrit au respect et à la non-ingérence auxquels l'État s'est obligé en matière de religion? La réponse est: non. Elle demande de l'État une intervention agressive contre l'Islam. Un sociologue ou un philosophe du quartier latin à Paris pourrait très bien maintenir cette attitude-là. On l'écouterait, on discuterait avec lui. Et puis: fini! Mais une politicienne comme Ajaan? Ce n'est pas évident. Surtout, depuis son héros laïque, Sarkozy, a déclaré aux Latérans de Rome que "chaque civilisation a des racines religieuses".
* "Droogstoppel": Un personnage créé par un des plus grands écrivains en néerlandais, Multatuli (Édouard Douwes Dekker). Souvent, l'hypocrite parcimonieux en lui cache le chrétien bien intentionné.
(à suivre)
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